samedi 28 novembre 2009

Un roman français, Frédéric Beigbeder


Le 28 janvier 2008, Frédéric Beigbeder est arrêté par la police après avoir été pris en flagrant délit de consommation de stupéfiant sur la voie publique. Amené au commissariat du VIII arrondissement de Paris, il y passe la nuit et la journée du lendemain avant d'être transféré dans une autre cellule pour une nouvelle nuit d'emprisonnement. Au cours de cette détention, le chroniqueur télé et romancier raconte avoir repensé à son enfance, à tout ce qui l'avait conduit à ce qu'il est maintenant.

Un roman français est une subtile alternance entre les passages de sa détention et la redécouverte de ses souvenirs d'enfance qu'il clamait avoir totalement oublié.

« Tout le monde pense que j'ai raconté souvent ma vie alors que je viens juste de commencer. J'aimerais qu'on lise ce livre comme si c'était mon premier.» (p269)

Dans cette autobiographie, récompensée par le prix Renaudot 2009, Frédéric Beigbeder parle de son père riche bourgeois accaparé par le travail, de sa mère aristocrate peu aisée qui évolue au grès de ses coups de foudre et de son frère, éternel concurrent dont la vie l'a éloignée. Un roman français évoque également Chloé, la fille de Beigbeder et son rôle de père divorcé. Par un mélange de passé et de présent, l'auteur essaye alors de réfléchir sur son avenir et sur ce pourquoi il aime consommer les interdits.


L'enjeu à la lecture de ce livre était grand: allais-je continuer à percevoir cet homme, l'auteur, comme le grand bourgeois arrogant et provocateur de la télévision ou allais-je découvrir derrière ce personnage un écrivain touchant et talentueux? La première solution fut souvent privilégiée au fil des pages où si petit à petit je me prenais de sympathie pour cet homme, il arrivait à me décevoir 3 ou 4 pages plus loin par son argot et son égocentrisme. Cependant, à l'heure où je tourne la dernière page de ce livre, je ressens un profond apaisement. Le succès de ce livre est mérité, il ne résulte pas uniquement du pouvoir médiatique d'un jet setteur qui prend de la coke sur un capot de voiture, mais d'un homme qui pour la première fois se révèle sous un nouveau jour, celui d'un père à l'enfance non difficile mais perturbante et qui peut expliquer nombre de ses travers.

Si le style littéraire est parfois déroutant, alternant la grande beauté de tournures réfléchies à de l'argot pur, simple et méprisant, l'histoire en est elle-même touchante et sans manière. Un roman français est donc une œuvre facile à lire ouvrant la voie à une redécouverte de Frédéric Beibegder, cette fois peut être plus plaisante.

Vendetta, R.J. Ellory


Catherine Ducane, fille de Charles Ducane gouverneur de Louisiane, a été enlevée à la Nouvelle-Orléans. Selon les statistiques de la criminalité, plus le temps passe et plus les chances de retrouver Catherine vivante diminuent.
Au bout du quatrième jour, Enersto Cabrera Perez, le kidnappeur présumé se rend au siège provisoire du FBI à la Nouvelle-Orléans et exige, en contre partie des informations indiquant l'endroit de détention de Catherine, de pouvoir raconter l'ensemble de sa vie à Ray Hartmann, un fonctionnaire travaillant dans les enquêtes du crime organisé à Washington, alcoolique et sur le point de perdre toute sa famille.
S'ensuit alors le récit de la vie entière d'un homme de l'ombre, tueur à gage hors du commun et membre de la mafia italienne, malgré ses origines cubaines.

Les chapitres du livre alternant l'enquête actuelle pour retrouver Catherine et les récits passés de la vie de Perez permettent de soutenir l'intérêt du lecteur en lui fournissant peu à peu de plus en plus d'indices sur la personnalité du kidnappeur et en impliquant petit à petit des personnalités politiques ou reconnues de la mafia dans la vie parsemées de meurtres de Perez.

Cependant pour conserver tout l'intérêt d'un roman policier, je ne peux vous en dire plus sur l'histoire...


A la lecture de ce livre, le plus important est de reconnaître l'originalité dont à fait preuve l'auteur et la précision des descriptions qu'il a jugé bon d'offrir aux lecteurs. Ce roman est ancré dans l'histoire de la mafia italienne des années 1950 à aujourd'hui de manière extrêmement précise. Il offre une description fictive liée à des événements historiques tels que l'arrivée de Castro au pouvoir, la mort de Kennedy ou le Watergate, ce qui rend l'histoire extrêmement attrayante: et si le meurtre de Kennedy était-tel qu'il est décrit dans le roman?

Bien que très original, ce livre est malheureusement pesant par sa longueur et j'ai du à plusieurs reprises me forcer à en continuer la lecture. Les descriptions sont très souvent longues et à plusieurs reprises très compliquées et parfois inutiles avec beaucoup de noms sur les membres de la mafia difficile à retenir au fil des pages. La satisfaction d'avoir tenu tout au long des 550 premières pages est heureusement exaltée par les 100 dernières, riches d'un style littéraire incroyable et d'une imagination sans borne.

Si Vendetta n'est pour moi pas le meilleur polar, il vaut cependant la peine d'être lu car j'ai rarement eu l'occasion de découvrir une œuvre aussi originale. Toute la question est alors de tenir bon, jusqu'à la fin.

jeudi 12 novembre 2009

Le Club des Incorrigibles Optimistes, Jean-Michel Guenassia



« On est obligé de tuer quand on ne peut plus discuter, ni transiger, ni trouver un compromis, ni se convaincre. Il n'y a pas d'alternative. Le gagnant est celui qui survit. » p749


Michel Marini, jeune collégien au lycée Henri IV, est passionné par le babyfoot avec son copain Nicolas, découvre le rock grâce à son grand frère Franck, ne s'arrête de lire ni pour traverser la rue ni en classe et se développe tout juste une passion pour la photographie. C'est avec toute la curiosité d'un adolescent qu'il découvre, en 1959, l'existence d'un club caché à l'arrière de la salle de son bistrot favori Le Balto. Ce club rassemble de nombreux réfugiés qui ont fuit l'Europe de l'Est et qui se retrouvent ici pour jouer aux échecs et lutter contre la solitude.
L'œuvre de Jean-Michel Guenassia nous raconte l'intégration progressive de Michel dans ce club où se révèle toutes les problématiques de l'exil. Cependant, au-delà de son activité au Balto, Michel reste un adolescent devant faire face à des conflits familiaux et aux problèmes récurrents de l'amitié et de l'amour, primordiaux à cet âge.
Dans ce club où la règle d'or est de parler français, les émigrés jouent aux échecs et refusent de repenser au passé. Leur fuite fut dure et déchirante, ils ne veulent pas évoquer ceux qu'ils ont dû laisser. On apprend à connaître ces optimistes au fil des pages, leur présent mais aussi petit à petit leur passé. Sur un fond historique, illustré notamment par la présence de Sartre et Kessel au club, Jean-Michel Guenassia aborde ainsi des sujets extrêmement variés qui suscitent encore des questions chez les jeunes d'aujourd'hui: le communisme, la guerre froide, l'Algérie, pour les questions politiques mais également la religion, l'amitié, l'amour et la trahison.
Au fil des pages, de nouveaux personnages apparaissent tout comme peu à peu, les personnes qui comptent dans la vie de Michel disparaissent. Franck, Cécile, Nicolas, Camille sont autant de personnes qui alimentent sa vie que ses amis du club. Ces rencontres et ces disparitions sont le fil directeur de l'oeuvre de Jean-Michel Guenassia et de la vie de Michel.
Ce livre apparaît ainsi comme un journal d'adolescence. Une adolescence particulière, révélatrice d'une époque et offrant la possibilité de réfléchir avec un œil nouveau sur des sujets édulcorés par notre éducation.

Le Club des Incorrigibles Optimistes rassemblent les deux indispensables d'un chef d'œuvre littéraire: une histoire passionnante et bien ficelée et une écriture intéressante et soignée. Jean-Michel Guenassia par un savant mélange d'histoires imbriquées les unes dans les autres a su remplir sans aucun doute le premier critère: les personnages sont multiples et leurs interactions sont révélatrices de la multiplicité et de la complexité des thèmes abordés. Le style littéraire est quant à lui simple et élégant. Certains passages regorgent même d'une grande beauté: poétiques ou romantiques, poignants et directs.

Ce « premier vrai roman » (Lire, n°378, Septembre 2009, Supplément Le Guide la rentrée littéraire 2009, p 20), comme il souhaite lui même l'appeler, est donc une réussite pour Jean-Michel Guenassia qui a été à juste titre récompensé par le prix Goncourt des lycéens 2009 et par la sélection de la rentrée littéraire des Virgin Megastore. Si le volume peut paraître certes déconcertant (757 pages), n'hésitez pas cependant à prendre votre courage à deux mains. Après quelques pages, vous serez ravis et à la fin vous regretterez le fait que ce merveilleux roman s'arrête.

Il est cependant très difficile de décrire tous les sentiments qui m'ont envahie à la lecture de ce livre: l'auteur parvient à nous transporter dans la vie de Michel et à vivre au jour le jour avec lui. On se surprend indigné, triste ou heureux mais surtout on se découvre nous mêmes en pleine réflexion avec ce jeune adolescent à la notion du bien et du mal, à la révolte et à la liberté.

Monsieur Guenassia, en attendant avec grande impatience votre prochain roman, je reste transportée dans ce monde de découverte et de réflexion.